"Les garde-fous ont disparu" : l'Europe se prépare à un retour au pouvoir de Donald Trump

Donald Trump. Ph de tiers


Lors de son mandat à la Maison Blanche, Donald Trump avait retiré les États-Unis de plusieurs accords internationaux et agences de l'ONU, menaçant même de quitter l'Otan. Aujourd'hui, face à la possibilité d'un retour au pouvoir du milliardaire, l'Europe se prépare activement à se protéger d'une nouvelle présidence du républicain.

Donald Trump promet, s’il redevient président, de poursuivre plusieurs objectifs qui inquiètent à l’étranger, malgré leur apparente improbabilité. Il s’engage notamment à mettre fin à la guerre en Ukraine "en 24 heures" en négociant avec le président russe Vladimir Poutine, à demander à l’Europe de rembourser les milliards de dollars d’aide américaine à l’Ukraine, à sortir à nouveau de l'accord de Paris sur le climat et à imposer des tarifs douaniers élevés sur les importations, jusqu'à 200 % dans certains cas.

À l’approche de l'élection présidentielle américaine du 5 novembre, qui s’annonce très disputée, les dirigeants européens se préparent déjà à un éventuel retour au pouvoir du républicain. L’Europe est aujourd'hui plus vulnérable que lors du premier mandat de Donald Trump, la guerre ayant entre-temps éclaté sur le continent avec l’invasion russe à grande échelle de l’Ukraine en 2022. Par ailleurs, l’ex-président réaffirme son intention de poursuivre sa politique isolationniste, "America First" ou "l’Amérique d’abord", qu’il entend pousser encore plus loin qu’il ne l’avait fait lors de son premier passage à la Maison Blanche. La perspective d’un "Trump 2.0" suscite des craintes accrues.

"Trump n’était pas vraiment prêt à gagner l’élection de 2016, il a donc dû s’appuyer sur des figures établies du parti et des généraux de l’armée pour projeter une image de 'force'. Mais ces personnes n’étaient pas aussi prêtes à transgresser les normes que lui, jouant ainsi le rôle d''adultes responsables' en freinant certaines de ses initiatives les plus disruptives", explique Oscar Winberg, spécialiste de la politique américaine à l’Institut d’études avancées de Turku, en Finlande. "Mais cette fois, Trump a eu quatre, voire huit ans pour se préparer, avec l’intention de remplir l’administration de conservateurs et de loyalistes, et de licencier les fonctionnaires non politiques. Les garde-fous qui autrefois limitaient son pouvoir ont disparu."

Retour de la menace russe

La possible réélection de Donald Trump soulève deux grandes inquiétudes en Europe, portant sur la guerre en Ukraine et l’engagement des États-Unis au sein de l’Otan. Selon son allié, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, le milliardaire républicain aurait affirmé qu’il "ne donnerait pas un centime" à l’Ukraine s’il gagnait, préférant rechercher un "accord de paix" par la négociation avec Vladimir Poutine. Un tel accord forcerait probablement l’Ukraine à de douloureuses concessions, notamment la cession de territoires de l’Est, ce qui aggraverait la menace russe pour l’Europe.

Pour éviter cela, des mesures de soutien durable à l’Ukraine ont été prises des deux côtés de l’Atlantique. L’Otan a annoncé cet été la création de la mission d’assistance et de formation pour la sécurité de l’Ukraine (Nsatu), basée en Allemagne, pour coordonner directement la formation des troupes ukrainiennes et la fourniture d’équipements militaires sans dépendre des États-Unis. De son côté, le G7 – qui comprend les États-Unis, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l’Italie, le Canada et le Japon – a finalisé un prêt à long terme de 50 milliards de dollars – environ 46 milliards d'euros – pour l’Ukraine, financé en grande partie par les intérêts sur les avoirs russes gelés en Europe. Le président sortant Joe Biden a soutenu ses alliés européens en s’assurant que les 20 milliards de dollars prévus par les États-Unis soient disponibles d’ici la fin de l’année. Le Congrès américain a adopté cinq lois d’aide à l’Ukraine depuis le début de la guerre, pour un montant total de 175 milliards de dollars – environ 162 millions d'euros –, dont 106 milliards alloués directement au gouvernement ukrainien. Lors d’une conférence de presse à la mi-octobre à Riga, en Lettonie, James O'Brien, secrétaire d'État adjoint aux affaires européennes et eurasiennes, a déclaré que Joe Biden "viderait" les fonds que le Congrès américain a affectés à l'Ukraine avant la fin de son mandat.

L’Union européenne, elle, se prépare à renforcer ses sanctions contre la Russie en cas de retour au pouvoir de Donald Trump, mais fait face à des obstacles internes. Le Hongrois Viktor Orban, proche de Vladimir Poutine, menace de bloquer l’aide de l’UE à l’Ukraine et milite pour la levée des sanctions contre Moscou. Or toute mesure de sanction dans l’UE requiert l’approbation unanime des 27 États membres.

L'Otan source d'inquiétude

L’Europe doit par ailleurs renforcer ses capacités de défense. Ne sachant pas s’ils pourront compter sur les États-Unis encore longtemps, plusieurs pays européens ont accru leurs dépenses de défense et développé leur production d’armement domestique. L’Otan reste une source d’inquiétude. Lors de son premier mandat, Donald Trump avait à plusieurs reprises exprimé sa volonté de sortir de l’Alliance, et selon le commissaire européen Thierry Breton, il l’aurait clairement dit à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne : "Trump a dit à Ursula : 'Vous devez comprendre que si l'Europe est attaquée, nous ne viendrons jamais vous aider et vous soutenir. Et d'ailleurs, l'Otan est morte. Et nous partirons, nous quitterons l'Otan.'" L'ancien président a déclaré qu'il en avait assez des "profiteurs (européens)" qui bénéficiaient de la protection des États-Unis alors qu'ils ne respectaient pas l'objectif de l'Otan consistant à consacrer 2 % de leur PIB à la défense. À l'époque, seuls trois des 32 membres de l'Alliance atteignaient ce seuil.

Depuis, 23 des 32 membres de l’Otan ont rempli cet objectif, en partie grâce à la menace russe. Mais Donald Trump reste insatisfait. Lors d’un meeting en Caroline du Sud en début d’année, il a déclaré qu’il laisserait la Russie "faire ce qu’elle veut" aux pays de l’Otan n’ayant pas atteint ce seuil. Bien qu’il soit impossible pour un président américain de retirer unilatéralement le pays de l’Otan – une loi votée l'an dernier exige désormais l’approbation du Sénat pour une telle décision –, la menace de Donald Trump est réelle, puisqu'il remet en cause la règle d’or de l’Alliance en matière de défense mutuelle. "Pas besoin de quitter officiellement l’Alliance [pour la rendre inefficace, NDLR]", explique Oscar Winberg. "Il suffirait que Trump déclare ouvertement qu’il ne respectera plus cet engagement. En pratique, cela reviendrait à un retrait, et en tant que président, il aurait l’autorité pour le faire." Selon Politico, la crainte de ce scénario a poussé les diplomates européens à tenter de convaincre Donald Trump et ses conseillers de tempérer sa position.

Riposte commerciale "rapide et dure"

Donald Trump menace également d’imposer des tarifs douaniers sur les importations afin de faire revivre l’économie américaine. Cela pourrait atteindre 60 % sur les exportations de la Chine et 10 % sur celles en provenance d’Europe. Des économistes ont averti qu'une telle situation pourrait déclencher une vraie guerre commerciale. Selon Oscar Winberg, même si l’Europe tente de diversifier ses partenariats commerciaux, elle reste vulnérable "face à une personne imprévisible à la Maison Blanche". L'Europe ne dispose pas tant d'une stratégie préventive que d'un plan d'action en cas de nécessité. Ce plan consiste à riposter pour forcer Donald Trump à revenir à la table des négociations. "Nous répliquerons rapidement et durement", a confié un haut diplomate européen à Politico.

Malgré les mesures de protection mises en place par l'Europe, Oscar Winberg estime qu'une victoire de Donald Trump serait, dans l'ensemble, "très néfaste" pour les partisans libéraux et démocrates du Vieux Continent.

Avec France 24

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